Un Midi fantasmé, loin de la grisaille parisienne

Lorsque Vincent van Gogh arrive à Arles le 20 février 1888, il fuit la vie industrielle et la grisaille de Paris. Comme le raconte Michel Méténier, il a une vision presque imaginaire du Sud. "Il n'a jamais vu le Midi", explique l'historien. Influencé par les écrits de Mistral et de Daudet (Tartarin de Tarascon), il s'attend à un paysage idyllique et se trompe même en décrivant à son frère Théo des "citronniers" qui n'étaient en réalité que des oliviers. Ce qu'il vient chercher avant tout, c'est ce qui manque à sa peinture : "le soleil et la lumière", "le pays des tons bleus et des couleurs gaies".

 

L'Atelier du Midi : une colocation d'artistes qui tourne mal

À Arles, Van Gogh rêve de fonder un "atelier du Midi", une communauté d'artistes. Son frère Théo convainc alors Paul Gauguin de le rejoindre dans la fameuse "Maison Jaune". La collaboration commence sous les meilleurs auspices. De septembre à novembre 1888, l'entente est parfaite : "Van Gogh fait les courses, Gauguin fait la cuisine, tout le monde s'entend très bien", relate Michel Méténier. Les deux artistes vont même ensemble "faire flanelle dans les bordels" de la ville.

Mais l'harmonie est de courte durée. Dès fin novembre, la relation se dégrade. Les deux hommes ont des visions artistiques opposées, et l'ambiance devient électrique. "L'un est tout volcan, l'autre tout bouillant", écrira Gauguin. Une tension probablement exacerbée par leur forte consommation d'absinthe.

 

Le 23 décembre 1888 : le drame de l'oreille coupée

L'escalade atteint son paroxysme le 23 décembre 1888. Une violente dispute éclate entre les deux peintres. Il semblerait que Van Gogh, dans un accès de folie, ait menacé Gauguin avec un rasoir. Ce dernier, effrayé, quitte la Maison Jaune pour passer la nuit dans une auberge.

C'est seul, dans la tourmente, que Van Gogh commet l'irréparable : avec ce même rasoir, il se coupe une partie de l'oreille. Le lendemain, 24 décembre, Gauguin repart pour Paris. "Il ne reverra plus jamais Van Gogh", précise l'historien. Le jour même, le peintre hollandais est interné à l'hospice d'Arles, l'Hôtel-Dieu.

Malgré cette fin tragique, sa période arlésienne fut d'une créativité sans précédent : en un peu plus d'un an, il a réalisé plus de 200 tableaux et une centaine de dessins. Plus tard, à sa propre demande, il sera interné à l'asile de Saint-Paul de Mausole, à Saint-Rémy-de-Provence. Mais ceci, comme le dit Michel Méténier, "est une autre histoire".

 

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