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Effondrements rue d'Aubagne : la conclusion glaçante de 15 ans d'alertes

4min

Par Maritima 12/11/2024 à 19:02

"Cette histoire n'est pas survenue d'un coup": le procès des effondrements de la rue d'Aubagne à Marseille a retracé mardi la glaçante dégradation de l'immeuble du 65, où ont péri huit habitants, mais aussi celle des deux bâtiments mitoyens, inoccupés et délabrés.

"Hormis des accidents singuliers comme les explosions de gaz du type rue de Trévise à Paris, l’effondrement simultané et soudain de presque trois immeubles est extrêmement rare", a assuré Fabrice Mazaud, un des experts ayant participé à l'enquête sur ce drame du logement indigne.

Ce qui l'a rendu possible, c'est le nombre de "pathologies" qui affectaient ces bâtiments. Pour preuve, a souligné l'architecte, il a suffi d'un coup de pelle pour que le 67 s'effondre, quand il a été décidé de détruire cet immeuble, après l'écroulement des 63 et 65, le 5 novembre 2018, quelques heures plus tôt.

"S'il n'y avait pas eu tant de fragilités, il y aurait eu un effondrement local", d'un plancher, d'une cage d'escalier, insiste-t-il.

 

 

"Cette histoire n'est pas survenue d'un coup", analyse également Bernard Bart, autre expert-architecte désigné par la justice dès les premières heures de l'enquête.

De fait, la chronologie est vertigineuse, car il y a eu "un nombre conséquent de visites et d'expertises sur ces trois immeubles, dans les 15 ans précédant les effondrements", remarque le président Pascal Gand.

La première alerte sur le 63 date de 2003. Puis, en 2011, le seul occupant du 67 le quitte, en raison de sa vétusté. Dès 2014, il y a une "alerte forte et majeure pour les occupants du 65", et en 2015 le rapport Nicol émet une "alerte générale" sur l'habitat marseillais, énumère le magistrat.

Courant 2018, les signalements des locataires du 65 s'accélèrent. En mars, certains constatent déjà des difficultés à fermer leurs portes. Fin septembre, un expert, Reynald Filipputti, qui devait venir témoigner mais est absent pour raison de santé, signale un mur gonflé, des caves couvertes de boue et des traces d'eaux usées et de fuites.

 

"Je suis dans un piège"

 

Intervient alors mi-octobre la visite de Richard Carta, autre expert, l'un des 16 prévenus. Il reste sur place "une heure environ pour conclure à une situation de péril" et réclame des travaux d'urgence, retrace Pascal Gand.

"Pourquoi, après cette succession d'événements inquiétants, les locataires ont-été autorisés à réintégrer leurs logements ?", interroge le président. Les préconisations de l'expert ont-elle été suivies en tous points ? Est-ce que la situation de "dangerosité n'était pas suffisamment avancée" pour que l'évacuation soit ordonnée ?

Sur les bancs des prévenus, Julien Ruas, adjoint du maire de l'époque Jean-Claude Gaudin, alors en charge de ces questions d'immeubles en péril, n'est pas présent pour écouter ce récit.

"J'espère pouvoir sortir de mon appartement, je suis dans un piège", écrit Marie-Emmanuelle Blanc, locataire du 5e, le 31 octobre, dans un courriel à son syndic, lui aussi parmi les prévenus. Ce message sera malheureusement "prémonitoire", constate le président du tribunal correctionnel de Marseille.

De l'eau est signalée dans la cave. Des carreaux explosent au-dessus de la porte d'entrée dans le week-end. "On va s'en occuper, vous pouvez rester chez vous", répond le responsable du syndic.

La veille du drame, un locataire relève des fissures sur le carrelage mural de sa cuisine. Une autre file dormir chez ses parents car elle n'arrive pas à ouvrir sa porte.

En plein milieu de la nuit, Marie-Emmanuelle Blanc appelle les marins-pompiers pour signaler des craquements, l'impossibilité d'ouvrir sa porte et ses fenêtres, l'agrandissement de fissures. Le pompier lui propose de venir, tout en lui assurant que normalement un immeuble ne s'effondre pas d'un coup.

Puis le président diffuse la vidéo éprouvante d'un autre locataire, le matin même, qui montre les signes précurseurs de l'effondrement chez lui et glisse, en voix off: "Il y a une urgence, en quelques heures ça s'est aggravé". En fond, des coups résonnent, sans doute ceux de locataires prisonniers chez eux.

Quelques minutes plus tard, leur immeuble du 65 et le numéro 63 voisin s'écroulaient tels des châteaux de cartes.

Mercredi, les experts livreront leur scénario privilégié de cet effondrement.

 

© Agence France-Presse

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