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Justice
Procès de la rue d'Aubagne : le désarroi de parents, la résilience d'un fils3min
Par Maritima 16/11/2024 à 06:04
Simona Carpignano leur avait dit ne pas s'inquiéter, qu'elle allait déménager, mais ses parents la suppliaient: "laisse tout et va-t-en". Leur récit a bouleversé vendredi, au procès des effondrements meurtriers d'immeubles de la rue d'Aubagne à Marseille.
Maria et Domenico Carpignano, cheveux blancs, ont approché la barre du tribunal correctionnel pour raconter en italien le parcours de leur fille.
Son portrait entouré de fleurs est alors diffusé sur la dizaine d'écrans de la salle, face un public de plusieurs dizaines de personnes et la plupart des 16 prévenus, dont l'ex-adjoint au maire Julien Ruas, peu présent depuis le début des audiences le 7 novembre.
Simona était surnommée "sorriso" (sourire) par tous, de ses Pouilles natales à Marseille, où elle vivait depuis deux ans, jusqu'à ce funeste 5 novembre 2018 où elle perdit la vie comme sept autres personnes dans l'effondrement de son immeuble dégradé.
Elle hébergeait cette nuit-là un ami Pape Magatte Niasse, Sénégalais de 38 ans, décrit comme "solaire". Travailleur acharné, il avait traversé la Méditerranée pour rejoindre l'Italie puis la France. Annoncer sa mort à sa mère a été extrêmement "dur", a raconté son demi-frère Djidiack Gueye car "pour nous, en Afrique, l'Europe c'était l'eldorado".
"il y a une neuvième victime"
Simona avait 30 ans, venait d'empocher un master en économie sociale et solidaire. "Elle a été trahie dans ses valeurs", avance sa mère.
Quand ses parents ont découvert son immeuble, "c'était comme un choc". Ils décrivent "l'odeur de toilettes publiques" dans le hall qui ne fermait pas, les carrelages dans son appartement qui se brisaient, l'escalier qui penchait.
"On lui a dit: +laisse tout, tes vêtements dedans et va-t'en, on va tout te racheter+". Mais elle leur a répondu, confortée notamment par la visite de l'expert Richard Carta le 18 octobre, lui aussi poursuivi dans ce dossier: "les gens compétents nous ont assuré que ça n'allait pas s'écrouler mais, ne vous inquiétez pas, je vais déménager".
Eux n'ont pas cité à comparaître la propriétaire de l'appartement loué par leur fille, contrairement à d'autres familles car "elle a répercuté (au syndic) les difficultés de sa locataire", a expliqué leur avocate, Me Céline Lendo, en marge de l'audience.
Au désarroi des parents de Simona, applaudis dans la salle, a succédé le double drame de Paul Blanc, petit frère de Marie-Emmanuelle Blanc, artiste-verrière morte à 55 ans.
Il lit son texte, accroché à son bout de papier, et raconte comment leur mère est décédée sur le coup en apprenant la nouvelle de l'effondrement à la télé: elle "est tombée au sol, son cerveau s'est rempli de sang". "Pour moi il y a neuf victimes dans ce drame".
Tournant le dos aux prévenus, dont la plupart sont restés impassibles, il regarde le président et lui dit attendre que la justice "veille et punisse" les marchands de sommeil.
"Pour moi, il y a suffisamment d'éléments factuels pour déterminer ce qui s'est passé", a estimé de son côté l'un des locataires qui a survécu et a finalement décidé de se porter partie civile. Il avait tourné une vidéo glaçante, devenue virale, quelques minutes avant la catastrophe.
"Pas fan que mon père habite ici"
Léo, 26 ans, est le fils d'un autre locataire, Fabien Lavieille, emporté à 55 ans. "Un gentil, peut-être un peu trop", proche du groupe Massilia Sound System et qui avait le statut d'adulte handicapé après avoir été exposé à de l'amiante.
"J'étais pas fan que mon père habite ici", raconte-t-il. Il avait bien entamé pour lui des démarches afin d'obtenir un logement mais n'avait jamais eu de réponse de l'organisme social censé l'accompagner.
Dans son large pull gris, fine moustache barrant son visage, Léo raconte que dans cet appartement il y avait aussi "beaucoup d'objets, d'œuvres" de ses parents et notamment de sa mère artiste, décédée quand il avait 8 ans. C'est une "perte de mon histoire", lâche-t-il, d'une voix calme.
Depuis septembre et l'approche de cette échéance judiciaire, il est suivi par un psychologue car il a "vécu beaucoup beaucoup de choses" dans sa courte vie.
Après le procès, il retournera à Paris, où il travaille dans la musique.
© Agence France-Presse
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