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Justice
Prison ferme pour deux chercheurs après des jets contre le consulat russe à Marseille3min
Par Maritima 27/02/2025 à 20:23
Deux chercheurs au CNRS ont été condamnés à de la prison ferme jeudi, coupables d'avoir lancé des bouteilles contenant de l'azote liquide contre le consulat général de Russie à Marseille, afin "d'attirer l'attention sur la marche du monde".
L'audience, désopilante par moments, s'est soldée par l'incarcération des deux physiciens, le tribunal judiciaire de Marseille ayant prononcé contre eux deux peines de huit mois avec mandat de dépôt. Ils devraient cependant être rapidement libérés, le tribunal ayant demandé que ces peines soient aménagées sous bracelet électronique.
Vers 7h30 lundi, les deux hommes avaient jeté trois bouteilles dont le contenu, alors inconnu, avait provoqué des détonations mais pas de dégât. Deux étaient tombées sur le toit d'un parking du consulat, la dernière avait atterri dans le jardin du voisin d'à côté.
Images de vidéosurveillance à l'appui, les deux hommes avaient été rapidement identifiés pour finalement être arrêtés le soir même lors d'un rassemblement de soutien à l'Ukraine, devant l'hôtel de ville.
A l'audience, le consul de Russie, Stanislav Oranskiy, l'a redit: pour son pays, "les actes commis sont graves et présentent tous les signes d'un acte terroriste".
Mais, pour le procureur français, "le côté terroriste, il fait un peu comme la bouteille, il fait pschitt". Reprenant les éléments d'explication des deux chercheurs, le magistrat a insisté sur le fait que les bouteilles contenaient uniquement de l'azote liquide, ce qui n'est "pas dangereux".
Et il est vrai qu'en France, "la moindre manifestation de paysans est un peu plus musclée que ce que vous avez fait", a reconnu le ministère public.
Mais malgré tout, toucher à une enceinte diplomatique, c'est "tabou, ça ne se fait pas", a estimé le procureur, qui avait requis un an ferme à effectuer sous bracelet électronique.
"Les ambassades et consulats sont des territoires sacrés qu'on ne doit pas toucher", les a aussi sermonnés le président du tribunal, Thierry Bonifay.
Les deux prévenus, aux profils plutôt inhabituels dans ces audiences de comparutions immédiates, étaient jugés libres, assis à côté des parties civiles, le consul de Russie et un représentant de leur employeur.
Démonstration scientifique
Le CNRS, qui avait qualifié ces actes "d'"attentat", leur reproche en effet d'avoir "détourné" un produit scientifique.
Les deux physiciens ont reconnu sans difficulté avoir subtilisé dans leur laboratoire de l'azote liquide à -190 degrés, puis l'avoir transporté dans deux thermos afin de le verser ensuite dans les trois petites bouteilles en plastique qui seront jetées.
Un dispositif qui fait du bruit mais n'est pas dangereux, assurent-ils en choeur. Pendant leur garde à vue, ils en ont d'ailleurs fait la démonstration aux policiers, sur le campus de Luminy, a souligné le président.
"Mon épouse m'avait dit que c'était une très mauvaise idée", mais "j'ai persisté parce que j'ai longuement réfléchi à la procédure pour que ce soit sans danger", a justifié Georges Sitja, 59 ans.
Cet homme discret, cheveux blancs, petites lunettes rectangulaires, qui se présente comme un "idéaliste", a expliqué avoir voulu "attirer l'attention sur l'état du monde", sans penser "à l'après". Il se sent directement concerné avec sa femme d'origine ukrainienne et son beau-père ukrainien qui dort sur leur canapé depuis le début de la guerre.
Vasile Heresanu, 48 ans, Français d'origine roumaine, énumère lui le conflit entre la Russie et l'Ukraine, le climat, "les élections aux Etats-Unis": "ça va dans une direction qui n'est pas bonne". Habillé comme un randonneur, cheveux bouclés mi-longs, il assure avoir juste voulu faire "du bruit" et se sent désormais "dépassé". Il regrette.
Pour leur avocat, Me Rami Chahine, il ne s'agit pas de délinquants mais de "gens très très anxieux" qui, comme beaucoup en ce moment, "voient des choses qui les inquiètent partout dans le monde".
Mais pour le tribunal, c'est un peu comme quand on braque quelqu'un avec une arme factice: "Vous savez que ça peut pas faire de mal, mais en face, ils ne savent pas !"
© Agence France-Presse
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