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Procès des viols de Mazan : face aux 51 accusés, la victime raconte comment son monde "s'est effondré"

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Par Cassandre Amouroux05/09/2024 à 17:52

Pour la première fois, Gisèle Pélicot a pris la parole devant la cour criminelle départementale du Vaucluse lors du quatrième jour de ce procès.

"Mon monde s'écroule" : calme et déterminée face à son mari et aux 50 autres hommes accusés de l'avoir violée pendant dix ans, la principale victime a raconté le moment où les policiers lui ont révélé l'ampleur des agressions qu'elle avait subies, lors d'un procès hors norme dans le sud de la France.

Droguée aux somnifères par son mari, qui recrutait des inconnus sur internet pour venir la violer, cette femme de 71 ans n'avait jamais réalisé que depuis 2011 tous ces hommes avaient abusé d'elle, avant ce jeudi 2 novembre 2020, où elle a tout découvert.

"Les policiers m'ont sauvé la vie, en investiguant l'ordinateur" (de mon mari), a déclaré la victime, calme, précise, ne qualifiant plus son époux, dont elle est en cours de divorce, que par son patronyme. Puis, pendant près d'une heure et demie, elle prend la parole pour la première fois depuis le début du procès qui a débuté lundi, à Avignon (sud), devant la cour criminelle du Vaucluse.

Ce jour d'automne 2020, les policiers de Carpentras dans le Vaucluse, lui ont demandé de venir. Oui, elle est bien mariée à Dominique Pélicot , "un chic type", "un super mec", répond-elle à l'enquêteur qui la reçoit. Puis celui-ci lui montre des photos. Sur l'image, "je suis inerte, dans mon lit, et on est en train de me violer. C'est des scènes de barbarie. Mon monde s'écroule, tout s'effondre, tout ce que j'ai construit en 50 ans. Franchement, c'est des scènes d'horreur pour moi", explique-t-elle, devant la cour, composée de cinq magistrats professionnels.

Depuis l'ouverture du procès, les médias avaient choisi de ne pas donner ce nom de Pélicot, pour protéger la vie privée des trois enfants et six petits-enfants du couple. Mais ceux-ci ont fait savoir jeudi, via leurs avocats, qu'ils souhaitaient désormais que leur patronyme soit connu car il est devenu "celui du courage incarné" par leur mère et grand-mère.

"Je suis morte sur mon lit"

"Ils me considèrent comme une poupée de chiffon", insiste la mère de famille, sous le regard de sa fille et de ses deux fils, à ses côtés depuis le début des audiences.

Ce jour-là, elle refuse par contre de regarder les vidéos. Ce qu'elle n'acceptera de faire qu'en mai 2024, à l'approche du procès, sur les conseils de son avocat. "Elles sont plus atroces les unes que les autres", a-t-elle insisté jeudi. "Des scènes de barbarie, des viols, je me demande comment j'ai pu tenir", ajoute-t-elle, estimant avoir été "sacrifiée sur l'autel du vice". "Le corps est chaud, pas froid, mais je suis morte sur mon lit", décrit-elle encore.

Au total, près de 4.000 photos et vidéos ont été retrouvées sur les divers ordinateurs, clefs USB ou disques durs de son mari. Les images des quelque 200 viols qu'elle a subis en dix ans, d'abord en région parisienne, mais surtout à Mazan, petite commune de 6.000 habitants dans le Vaucluse (sud), où le couple avait emménagé en mars 2013.

"Et qu'on ne me parle pas de scènes de sexe, ce sont des scènes de viols, je n'ai jamais pratiqué le triolisme ni l'échangisme, je tiens à le dire", poursuit la victime, répondant indirectement aux questions posées mercredi au directeur d'enquête par les avocats de certains accusés, qui maintiennent avoir seulement participé au scénario d'un couple libertin.

"Je n'ai jamais été complice" ni "fait semblant de dormir", répond ensuite la victime, interrogée par Roger Arata, le président de la cour. De tous ces hommes qui ont abusé d'elle, elle n'en reconnaît qu'un seul, qui était venu au domicile du couple, à Mazan, pour discuter vélo avec son mari:  "Je le rencontrais de temps en temps à la boulangerie, je disais bonjour, je n'imaginais pas qu'il était venu me violer".

"J'ai perdu dix ans de ma vie, jamais je ne les rattraperai"

"J'ai un sentiment de dégoût", insiste-t-elle, en s'adressant aux accusés. "Ayez au moins une fois dans votre vie la responsabilité de vos faits", lance-t-elle, alors qu'elle parle depuis une heure déjà, s'interrompant seulement pour boire un verre d'eau. Et elle aborde cette question de la soumission chimique, ces anxiolytiques que lui faisait avaler son mari, à son insu, pour ensuite la livrer aux hommes qu'il faisait venir.

"Je parle pour toutes ces femmes qui sont droguées et qui ne le savent pas, je le fais au nom de toutes ces femmes qui ne le sauront peut-être jamais, (...) pour que plus aucune femme n'ait à subir la soumission chimique", poursuit-elle, rappelant que c'est pour cela qu'elle a refusé lundi que ce procès se déroule à huis clos.

Dans le box des détenus, son mari reste tête baissée. Interpellé en septembre 2020, après avoir filmé sous les jupes de trois femmes, dans un centre commercial de Carpentras, ce qui allait permettre la découverte de toute cette affaire, celui-ci avait été arrêté une première fois pour des faits similaires en région parisienne, en 2010. Mais il avait été condamné à une simple amende de 100 euros, et son épouse n'avait jamais été mise au courant.

"Il y a eu non assistance à personne en danger J'ai perdu dix ans de ma vie, jamais je ne les rattraperai", a-t-elle accusé jeudi.

© Agence France-Presse

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