Les plus âgés se souviennent de cet épisode marquant : il y a une vingtaine d'années, un président de la République se rend en visite officielle à Toulouse à la rencontre des forces de l'ordre locales. Sur place, des îlotiers représentant la police de proximité lui relatent l'organisation de rencontres sportives les opposant amicalement aux jeunes des quartiers populaires. 

Face aux médias, le chef de l'État désapprouve alors publiquement et de façon cinglante l'initiative, arguant que les policiers n'étaient pas des travailleurs sociaux et n'étaient pas payés pour jouer au foot et au rugby avec les jeunes. Ce faisant, il acte ainsi la fin de la politique de prévention au profit du tout répressif et signe au passage l'arrêt de mort de la police de proximité.

Deux décennies plus tard, quand on observe l'abîme qui sépare une partie de la population, les jeunes notamment, de leur police, on en conclut que ce président n'était vraiment pas doté de ce sens qu'on attribue justement aux grands flics lors de l'élucidation de certaines affaires : le flair.

Résultat, la police de proximité a laissé la place à une police de distance et a transformé, aux yeux de nombre de jeunes, ses personnels en adversaires, voire en ennemis. Avec à la clé un bilan en matière de délinquance plus que médiocre en dépit des efforts toujours plus importants et éreintants imposés aux forces de l'ordre. 

Et en prime, avec l'image d'un policier qui, dans les quartiers sensibles, se résume désormais à celle d'un fonctionnaire casqué et bardé de protections, la fameuse "tenue ninja", doté de matraque, grenades lacrymogènes et autres LBD peu propices à inciter au dialogue. 

Des initiatives prometteuses

Heureusement, depuis plusieurs années, face à des quartiers devenus des îlots de délinquance quasi hermétiques à la loi, l'idée d'un retour de la police de proximité semble progressivement faire son chemin. Les forces de l'ordre peinent parfois elles-mêmes à s'aventurer et les grosses opérations policières de type coups de poing ne donnent souvent des résultats qu'à très court terme.  Avec la présence de fonctionnaires au contact quotidien des habitants, cela permet de les rassurer en restaurant des liens de confiance,

Inaugurer le mois de la jeunesse à Martigues par un tournoi de foot mêlant jeunes et fonctionnaires des polices nationale et municipale est une initiative qui participe à ce rapprochement. C'est ainsi que samedi, sur le terrain du parc des sports Florian Aurélio, à l'initiative du service jeunesse de la ville, une demi-douzaine de policiers martégaux se sont retrouvés aux côtés de leurs collègues marseillais de la Nationale. Ils se sont ensuite répartis et mélangés au sein de 6 équipes aux côtés d'ados des quartiers de Boudème-Jonquières, Canto-Perdrix, Bargemont et Ferrières. 

Pour l'occasion, un maillot a été spécialement créé avec une couleur par équipe et imprimé, comme une devise, des mots choisis en concertation avec les jeunes : "passion, respect, victoire, ensemble, partage".

Une ambiance sportive et bienveillante 

Le tournoi s'est déroulé dans une ambiance exceptionnelle, avec une référence sincère aux valeurs du sport parfois tant galvaudées.
On a pu ainsi observer des poignées de main, des accolades, des encouragements, des félicitations entre coéquipiers, jeunes et policiers. Et une même hargne, teintée de temps en temps d'un brin de mauvaise foi, pour l'emporter contre les ados et fonctionnaires de l'équipe adverse. 
On a pu également être témoin d'une jolie scène : ce jeune qui, victime d'un mauvais coup, s'effondre en pleurs sur le terrain et est consolé puis transporté vers la ligne de touche par un policier plutôt baraqué. 

Avec humour, on pourra observer que, pour un jeune qui faisait office d'arbitre, c'était l'occasion, une fois n'est pas coutume, d'être en mesure de pouvoir siffler... un policier.
Et éventuellement, en tant que joueur, de pouvoir le tacler, toujours correctement, sans être accusé d'agression de fonctionnaire.

Quant aux conséquences d'un tel tournoi sur l'image des policiers auprès des jeunes, le mieux est de vous faire votre propre avis en regardant notre vidéo. Avec le témoignage de Romain, policier et membre du SCPM, Sporting club de la police marseillaise, une association coutumière de ces rencontres avec les jeunes des quartiers populaires de Marseille, et surtout les réactions des principaux intéressés, à savoir Adil, 15 ans, Nolan, 14, et Issa, 12, trois ados de Boudème.

Si le tournoi n'a eu qu'une équipe vainqueuse, la victoire revient avant tout à l'ensemble des participants et organisateurs de cette journée pas comme les autres. 

Et fait notable pour un match de foot, d'après nos renseignements, il n'y a eu aucun carton rouge à déplorer à l'issue de ce tournoi...