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L'Etang de Berre, méga concerné par les méga-camions

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Par Michel Montagne08/03/2024 à 17:15

Des monstres de métal risquent de débouler bientôt sur les routes françaises et l'ouest de l'étang de Berre fait partie des zones particulièrement concernées par cette éventuelle arrivée.

Mad Max

Une longueur de 25,5 mètres (soit plus qu'un terrain de tennis) et un poids pouvant attendre 60 tonnes : non, il ne s'agit pas des engins futuristes mis en scène dans Furiosa, le nouveau Mad Max prochainement sur les écrans, mais bien des méga-camions qui n'attendent qu'un top départ du Parlement européen dans les prochains jours pour pouvoir sillonner le territoire de l'Union en toute légalité.

Pour résumer la situation, ceux-là mêmes qui s'apparentaient jusqu'alors à des convois exceptionnels deviendraient ainsi des convois... ordinaires.
A titre de comparaison, les véhicules autorisés à circuler en France – hors convois exceptionnels donc – ne peuvent aujourd'hui dépasser 18,75 mètres de long, ni un poids passé en 2013 de 40 à 44 tonnes, augmentation limitée qui avait déjà occasionné une polémique à l'époque.

L'étang de Berre, terrain de chasse des mastodontes ?

Avec des pôles logistiques aussi importants que la plate-forme Clésud à Miramas ou encore le Distriport de Fos/Port-Saint-Louis, auxquels on peut ajouter, toujours dans la zone portuaire de Fos, la Feuillane sans oublier, plus au nord et dans la continuité, la plate-forme de Saint-Martin de Crau, on n'apprendra à personne y vivant ou y circulant que c'est un énorme trafic de poids-lourds qui pèse déjà sur cette partie de territoire.
Et donc une destination de prédilection pour les méga-camions qui deviendraient ainsi les compagnons de route habituels des automobilistes de l'Ouest de l'étang.

L'avis des routiers français

Face à leur éventuel débarquement sur les routes tricolores, les chauffeurs-routiers français sont partagés. Ni hostiles, ni particulièrement emballés, ils attendent leur mise en service pour constater des avantages et inconvénients.

Ainsi, pour Patrice Clos, secrétaire général de la Fédération nationale transports et logistique du syndicat Force ouvrière que nous avons contacté, l'intérêt premier de ces supertransporteurs, c'est qu'ils sont capables d'acheminer des cargaisons beaucoup plus lourdes, ce qui induirait mécaniquement une diminution du nombre de camions en circulation et permettrait ainsi de compenser en partie le déficit criant de chauffeurs-routiers, un métier qui a perdu au fil des ans toute son attractivité.
Il manque en effet chaque année en France 60 à 80 000 conducteurs de poids-lourds sur un total de près de 500 000 ! (et ce sans prendre en compte les personnels des entreprises qui disposent de leur propre service de transport et de leurs propres chauffeurs). D'un point de vue mathématique, à la place de deux « 30 tonnes », un 60 tonnes permettrait d'économiser ainsi un conducteur pour une cargaison équivalente. 
Toujours dans cette même logique purement arithmétique, mais cette fois sur un plan non plus social mais environnemental, un camion pollue moins que deux. Une logique apparemment implacable.
Sauf que dans la colonne "inconvénients", les arguments ne manquent pas.

Les risques liés aux méga-camions

Par définition, pour transporter un chargement beaucoup plus lourd, il faut un moteur bien plus puissant. Et donc plus polluant, ce qui vient relativiser le gain environnemental décrit ci-dessus.
S'il attend leur mise en circulation pour juger concrètement de l'intérêt des méga-camions, Patrice Clos relève d'ores et déjà un gros problème lié à leur déplacement. Le syndicaliste estime que ces véhicules sont surtout adaptés à la circulation autoroutière en ligne droite, en revanche, dans une France championne du monde des ronds-points, le passage des giratoires, déjà délicat au volant d'un 18 mètres, risque de devenir très compliqué avec des 25 mètres.
Se pose également la question du poids de ces engins sur les ouvrages d'art. Si les ponts peuvent en général résister à la circulation d'un 60 tonnes isolé, le passage régulier de ces mêmes mastodontes en convois pourrait à la longue fragiliser la structure de l'ouvrage.
Dans le même ordre d'idées, sur un réseau routier dont l'état est considéré comme médiocre, le trafic de méga-camions devrait contribuer à accélérer la dégradation de la voirie.
Enfin, les dimensions de ces engins vont exiger du chauffeur des compétences - voire une formation - supplémentaires pour maîtriser leur conduite : avec 60 tonnes, il va falloir anticiper des distances de freinage beaucoup plus longues.
De même, il faudra également évaluer la vitesse nécessaire pour lancer le monstre quand on s'apprête à rejoindre l'autoroute via une voie d'accélération. 
Et, autre interrogation : en l'état actuel, les routiers français sont-ils habilités à les piloter ou leur faudra-t-il passer un permis spécifique ?
Quant aux automobilistes de notre territoire qui seront particulièrement amenés à côtoyer ces géants du bitume, bonjour le dépassement d'un engin long de 25 mètres...

Méga-camion, le prédateur du train ?

Enfin, de l'aveu même du leader syndical de FO, l'irruption des méga-camions porterait un coup sévère (voire un coup d'arrêt ?) au frêt ferroviaire qui, pour se développer, tente depuis quelques années de surfer sur les exigences environnementales en matière de transport de marchandises. 
Or la grande souplesse d'utilisation de ces poids-lourds XXL dotés de deux remorques - ce qui leur vaut justement l'appellation de "trains routiers" - viendrait contrebalancer l'empreinte carbone bien plus faible que revendique à juste titre le transport ferroviaire.
Au risque de porter en particulier un coup fatal au ferroutage, pratique qui consiste à charger des camions et leur cargaison directement sur des trains afin de les transporter sur une partie de leur itinéraire.

La France, future Australie ?

On peut toujours s'inquiéter quand on apprend qu'en Australie (la terre natale de Mad Max justement), les trains routiers - "road trains" en version originale - peuvent atteindre les 170 tonnes, dépasser les 53 mètres de longueur et tracter au moins quatre remorques (et ce ne sont même pas les plus imposants). 
Qu'on se rassure, nos ronds-points souvent si décriés sont notre protection, notre bouclier - notre rempart même - contre une éventuelle invasion de ces Australius Megus Camionnus, ces dinosaures des temps modernes. 
Des ronds-points qui, vus d'Australie, doivent sembler aussi pittoresques, folkloriques et déconcertants que notre camembert et nos cuisses de grenouilles.

Quid en cas d'adoption par le Parlement européen ?

Le vote par le Parlement européen doit avoir lieu ce mardi 12 mars et, quelle que soit l'issue du scrutin, devrait contribuer à dessiner l'avenir du transport routier européen.
À ceux qui s'inquiètent de l'adoption de la directive - synonyme pour eux d'un déferlement de mastondotes sur nos routes - qu'ils ne perdent pas tout espoir, même dans l'hypothèse où l'Europe permettrait leur circulation sur son espace, chaque état-membre sera ensuite libre d'accepter ou non le passage de ces engins sur leur territoire national.


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