Ils étaient les stars du jour. Dimanche, le bitume Istréen a disparu sous les sabots des brebis et moutons, guidés par une poignée de professionnels imperturbables. Parmi eux, Angelo Longo. Casquette vissée sur la tête et bâton en main, il surveille le troupeau basé à la Crau de Saint-Martin avec l'œil de l'expert.

Pour cet homme dont les parents, immigrés du sud de l'Italie, étaient déjà bergers laitiers, ce métier n'est pas un choix, c'est un héritage. "Je suis berger de 8e génération et ça fait 10 ans que je suis dans le sud de la France et berger chez Christian Trouillard à Istres", confie-t-il au micro de Maritima.

 

 

"La faculté d'écouter le temps passer"

Loin de l'image d'Épinal du berger faisant la sieste au soleil, Angelo décrit un métier d'une exigence absolue. "Être berger en 2025 ? C'est avoir la faculté d'écouter le temps passer", philosophe-t-il. C'est surtout accepter de vivre dehors, par tous les temps.

Si la pluie ne le dérange pas ("on est bien équipés"), Angelo craint par-dessus tout le brouillard, le pire ennemi du gardien de troupeau. "Le brouillard, c'est 50 mètres de visibilité et c'est fini. Le troupeau peut se séparer. C'est à nous de jouer, il faut courir pour ramener tout le monde", explique-t-il.

 

Le loup, l'ombre au tableau

Au-delà des éléments, c'est la prédation qui hante les nuits des éleveurs provençaux. Angelo ne cache pas que cette menace pèse lourd sur le moral de la profession : "Il y a un peu de prédation qui nous gêne... le loup, les chiens errants".

Malgré la difficulté, la passion reste intacte. La transhumance, bien que modernisée avec l'usage de camions pour les longues distances vers l'Isère ou les Pyrénées, reste un moment fort. Et voir la foule se presser à Istres pour admirer ses bêtes est une récompense. "On n'est pas égoïstes, on vous fait passer un bon moment", sourit-il en voyant les familles massées sur les trottoirs.

 

 

Un métier en voie de disparition ?

C'est la note mélancolique de cet entretien. Quand on lui demande s'il y a des remplaçants prêts à prendre la relève, Angelo Longo hésite. "J'espère que la jeunesse se réveille... et qu'elle vienne nous rejoindre car notre âge avance et on n'ira pas jusqu'à 100 ans, même si on l'espère. Il y a des remplaçants mais ça devient de plus en plus difficile", avoue-t-il.

En attendant la relève, Angelo et ses collègues continuent de faire vivre cette tradition ancestrale, prouvant, le temps d'un défilé, que la Provence rurale a encore toute sa place au cœur de la cité.

 

images et interview Cédric Lombard maritima médias