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Au procès de l'escroquerie Apollonia, des notaires pressés et peu curieux

3min

Par Maritima 29/04/2025 à 15:37

Au procès de l'escroquerie immobilière Apollonia, les notaires mis en cause assurent n'avoir voulu tromper personne, malgré leur empressement à faire signer des procurations à des acquéreurs qui se sont retrouvés endettés bien au-delà de leurs possibilités.

Après avoir entendu les commerciaux d'Apollonia, cette société aixoise qui, de 1997 à 2009, avait fait acheter 5.305 lots à quelque 760 victimes, pour 950 millions d'euros, le tribunal correctionnel de Marseille a commencé depuis lundi à examiner le cas des trois notaires mis en cause dans ce procès prévu jusqu'au 6 juin.

L'enquête a montré que ces trois prévenus n'avaient pas hésité à faire un véritable "tour de France" pour récolter des procurations notariées auprès des victimes, qui les exonéraient d'être présents au moment de l'acte d'achat.

Leur intervention était un rouage essentiel de cette fraude qui au total a donc frôlé le milliard d'euros et qui consistait à harponner notamment des médecins en leur promettant des rendements faramineux via l'acquisition de lots de programmes immobiliers éligibles au dispositif de "loueurs meublés professionnels" (LMP), fiscalement avantageux.

Apollonia, qui les poussait à un empilement de crédits, prélevait au passage une confortable commission de 15%.

Les banques, un temps mises en cause, sont finalement du côté des parties civiles, assurant avoir été trompées par Apollonia.

Au final, 15 personnes sont jugées depuis fin mars, les époux Badache, responsables de la société, leurs commerciaux, un avocat et trois notaires, ce qui est rarissime.

 

"Vous avez gagné au loto ?"

 

"Le fait de m'être déplacé, ça n'a pas contribué à la fraude. Je suis totalement étranger à cette fraude", s'est défendu Jean-Pierre Brines, 77 ans, qui était  à la tête d'une étude ayant pignon sur rue à Aix-en-Provence.

C'était une "clientèle un peu hors-norme, qui méritait qu'on se déplace", répond de son côté Philippe Jourdeneaud, 64 ans, notaire à Marseille.

"Il y a un souci de célérité. Mais si le promoteur et Apollonia vous demandent d'aller vite, c'est pour eux, pas pour l'acquéreur", leur fait remarquer la présidente, Azanie Julien-Rama.

Or, certaines victimes se sont endettées bien au-delà de leurs possibilités, comme ce couple de chirurgiens-dentistes à qui Apollonia avait fait souscrire plus de 8 millions d'euros d'emprunts pour acquérir 26 biens. Mais le notaire n'avait-il pas un devoir d'information et de conseil auprès d'eux ?

"Ca aurait pu au moins prendre la forme d'une discussion, comme par exemple leur demander +vous avez gagné au loto+ ?", s'interroge la présidente.

Ce d'autant plus que ce moment de la procuration était le seul moment où l'acquéreur rencontrait quelqu'un d'extérieur à Apollonia, qui gérait tout pour ses clients, et contractait pour eux des emprunts auprès de plusieurs banques en maquillant leur endettement grandissant.

"C'est trop facile de dire que c'est les notaires qui ont donné de mauvais conseils", rétorque l'un. "Je n'ai jamais eu le sentiment de forcer qui que ce soit dans ces acquisitions", lance un autre.

"J'ai fait mon travail, peut-être avec des erreurs, mais j'ai fait mon travail comme il faut. Je n'ai voulu tromper personne. J'y suis pour rien dans tout ça", répète Jean-Pierre Brines, fatigué et visiblement agacé d'être sous le feu des questions des 110 avocats de ce dossier hors-norme.

Au total, ces trois notaires ont fait signer environ 2.000 procurations, dont plus de la moitié par le seul M. Brines, qui y consacrait une bonne partie de son activité.

Après le pont du 1er mai, le tribunal entendra les époux Badache et, à partir du 12 mai, les parties civiles prendront la parole, pour la première fois, certaines ayant beaucoup perdu, humainement comme financièrement.

"Plus les jours avancent, plus on a de gens qui veulent venir à la barre. Parce que ce qu'ils entendent est inadmissible pour eux: les mensonges défilent, les présentations fallacieuses", a déclaré à l'AFP, en marge de l'audience, Me Christophe Jervolino, qui, avec Me Cécile Pion, défend 195 familles flouées.

 

 

© Agence France-Presse (par S. Laffont) 

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