Aix-en-Provence
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Justice
Chronique d'une décennie d'alertes au procès pour viols d'un psychiatre-hospitalier marseillais3min
Par Maritima 01/04/2025 à 19:05
Au procès du psychiatre-hospitalier Marc Adida, jugé pour viols et agressions sexuelles sur quatre patientes, la cour criminelle des Bouches-du-Rhône a passé au crible mardi une décennie d'alertes vaines au sein de l'Assistance-Publique-Hôpitaux de Marseille.
Qualifié par un avocat des parties civiles de "lanceur d'alerte", le Professeur Christophe Lançon a fait le récit mardi d'une chronique d'un scandale annoncé, devant la cour d'Aix-en-Provence.
En mars 2013, le Dr Adida se rebelle violemment face aux gendarmes à son domicile, après un épisode maniaque lors duquel il tente d'étrangler son épouse. Mais, sorti de trois mois d'hospitalisation d'office, il est jugé "apte" à exercer à nouveau la médecine, sans autre garde-fou que se plier à une nouvelle expertise un an plus tard.
"On lui confie alors la partie la plus complexe et la plus difficile de la psychiatrie marseillaise", à l'hôpital Sainte-Marguerite, s'étonne le Pr Lançon à la barre des témoins.
Entre les deux médecins, le climat est de plus en plus violent, le Dr Adida accusant son confrère d’être l'amant de son épouse et même le père de sa fille.
"D'autres collègues avaient peur de M. Adida. En 2013-2014, je suis allé voir vingt fois les responsables de cette institution pour leur dire que les patients, les personnels, ma famille, moi-même étaient en danger", raconte Christophe Lançon, qui a travaillé 14 ans au même étage que ce confrère diagnostiqué bipolaire.
En décembre 2014, il tire la sonnette d'alarme en écrivant à Marisol Touraine, ministre de la Santé, au directeur de l'AP-HM et au procureur de la République. Il évoque alors des situations d'emprise exercées par son collègue sur des patients et des prescriptions démentes d'un dérivé d'amphétamine aux étudiants, allant jusqu'à une posologie près de trois fois supérieure au maximum autorisé.
"On était très embêté"
"Je savais que cette affaire allait mal tourner", explique le témoin. Pour lui, plus que de troubles bipolaires, le Dr Adida "souffre de conduites addictives, non pas permanentes, mais massives" aux médicaments, aux stupéfiants et à l'alcool.
En 2016, une patiente informe Christophe Lançon que le Dr Adida la viole lors des consultations et a même tenté de la tuer en l'étouffant. Une fois encore, celui qui se qualifie de "pestiféré de l'institution" affirme avoir sonné le tocsin auprès de "toutes les personnes en responsabilité".
Mais la rétractation de la victime, qui avait déposé plainte, se solde par un classement sans suite par le parquet et met fin à la suspension du Dr Adida, qui est alors affecté dans le service du Pr Jean Naudin. Ce même collègue qui, en 2013, avait signé son hospitalisation d'office.
Ce chef de service explique à la cour avoir organisé une "surveillance" de son collègue, en demandant aux secrétaires et aux personnels de sécurité d'être attentifs.
"N'est-ce pas prendre un risque inconsidéré, connaissant ces oscillations de l'état de Marc Adida, entre phases exaltées et phases déprimées ?", questionne le président de la cour, Roger Arata.
A la barre, Jean Naudin confesse: "J'ai été présomptueux de croire que j'allais maîtriser les choses".
Mais, en le déclarant, une seconde fois, apte à exercer la médecine, une expertise de trois médecins nommés par le conseil de l'ordre des médecins a fait fonction de blanc-seing. A l'époque chef du pôle de la psychiatrie à l'AP-HM, le Pr Jean-Claude Samuelian livre un aveu d’impuissance: "Sur l'histoire du viol, on était très embêté, mais à partir du moment où la plainte est classée sans suite, on ne pouvait rien faire".
Avec l'annonce de ce procès, "nous avons été destinataires de courriers de personnes se disant victimes", souligne alors le président Arata, suggérant "un phénomène ancien et plus global".
Les quatre jeunes femmes qui se sont constituées partie civile doivent être entendues mercredi par la cour.
© Agence France-Presse (par L. Leroux)
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