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Procès de la rue d’Aubagne : les carences de l’ancienne municipalité décortiquées par le tribunal

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Par Cassandre Amouroux28/11/2024 à 06:10

Julien Ruas, ancien adjoint en charge des risques, a été auditionné ces deux derniers jours à la caserne du Muy. En essayant de comprendre ses éventuels manquements, le tribunal a mis en exergue un système municipal défaillant et incapable d'agir face à des problèmes avérés.

Ses réponses étaient très attendues. Julien Ruas est le seul prévenu du procès des effondrements d'immeubles ayant appartenu à la municipalité, le seul politique. Il l’a d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises lors de son audition à travers cette phrase : “Je suis là pour toute la Ville”. Ces deux dernières journées d’audience étaient consacrées à ses manquements, Julien Ruas était adjoint en charge de la prévention des risques entre 2014 et 2020.

 

Monsieur Bataillon, mais pas Monsieur Prévention 

 

Face aux questions du tribunal et des avocats des parties civiles, il répétera avoir toujours agi dans le cade de sa délégation, visiblement très cloisonnée. Julien Ruas était essentiellement vu par le maire, par ses collègues mais aussi par les marseillais comme le responsable du bataillon des marins-pompiers. Pour l’habitat et les arrêtés de péril, ses services interviennent dans le cadre d’un signalement uniquement : “S'il n’y a pas quelqu’un avec une adresse, on ne fait pas”. Souvent, il répondra au tribunal ou aux avocats que la question posée relève d’une autre délégation, notamment celles du logement ou de la santé. Le prévenu finira même par s’agacer lors d’un échange musclé avec le procureur ce mercredi : “On a de cesse de m’interroger sur les voisins (...) Ok, je ne suis pas au top du top, mais je suis là pour ce que, moi, j’ai fait ou pas fait”.

À plusieurs reprises, le président du tribunal Pascal Gand s'étonnera des réponses de Mr Ruas et de son “attitude très attentiste” dans la gestion de sa délégation : “On touche à la difficulté d’une segmentation alors que la thématique est transversale (...) N’est-ce pas le rôle du politique d’avoir une impulsion proactive pour prendre en main les difficultés ?”. Le morcellement des différents acteurs et de leurs moyens apparaît comme un fort dysfonctionnement qui paralyse l’action municipale. Arlette Fructus, ancienne adjointe au logement et témoin dans ce procès, ne le niera pas face au tribunal : “La solution aurait été peut-être d’organiser une meilleure cohésion entre les acteurs”.

 

 

De l’argent, des problèmes identifiés… mais pas d’action

 

Un document très important a été utilisé pendant l’audience, il s’agit d’un rapport établi par Christian Nicol en 2015 intitulé : “La requalification du parc immobilier privé à Marseille”. 40 000 logements y sont identifiés comment présentant un risque pour la santé et la sécurité des personnes. Malgré cette alarme sonnée trois ans avant les effondrements, rien ne change dans l'action municipale. “Le rapport Nicol n’a pas donné la marche à suivre (...) Aujourd'hui, je ne retiens pas de recette miracle, peut-être qu’il n’y en avait pas et peut-être que la situation était déjà très dégradée aussi”, reconnaît Julien Ruas à l’évocation de ce document très critique envers l'action municipale. Jean-Claude Gaudin ne l’avait d’ailleurs pas bien accueilli à l’époque, selon les différents témoignages. 

Dans ce procès, l’absence de budget ne peut pas être reçue comme argument pour justifier l’inaction de la Ville. Une délibération prise en 2013 prévoit l’affection de 6,5 millions d’euros pour des études et des travaux d’urgence sur les immeubles publics et privés de Marseille. En 2018 seulement 350 000 euros avaient été engagés. “On dit que les finances sont pauvres, mais on voit qu’il y a de l’argent disponible et il n’est pas utilisé”, fait remarquer le président à Julien Ruas. Celui-ci répondra : “Pour mobiliser les sommes, il nous faut des propriétaires défaillants. Ils l’ont été à hauteur de 350 000 euros”. Une réponse qui fera réagir une bonne partie du public, agacée par les réponses du prévenu.

 

Des services en sous-effectif, asphyxiés

 

Un courrier signé par trois élus, dont Julien Ruas et Arlette Fructus (adjointe au logement à l’époque), est diffusé sur les écrans pendant l’audience. Il est daté début 2017, adressé au maire et au DGS, et fait suite au rapport Nicol mais aussi aux articles de presse pointant des défaillances sur le sujet de l’habitat indigne. Dans ce courrier, les adjoints demandent plus de moyens humains dans leurs secteurs pour assurer l’action publique, ils n’auront pas de retour.

Le manque de personnel et ses conséquences seront étayés par des témoignages. Notamment celui de Christophe Suanez à l’époque chef du service de prévention des risques urbains. Il expliquera que son service était doté de 80 agents en 2012 puis de 47 en 2018, donc des effectifs quasiment divisés par deux. “On n’avait pas les moyens de faire les travaux (...) La mise en sécurité des immeubles était faite mais on ne pouvait pas mettre fin au péril durablement”

Ce mercredi Christophe Suanez va se dire “atterré” face aux témoignages d’un de ses anciens agents. Il s’agit de Monsieur Begnigni. En 2015 après le signalement d’un expert il doit se rendre au numéro 65 rue d’Aubagne, l’immeuble qui s’est effondré trois ans plus tard, entrainant huit vies dans sa chute. Le compte rendu attestera d’une absence de danger mais les propos du témoin face aux questions du tribunal sont incohérents : il aurait en fait visité le 67 et il expliquera ne pas avoir pu rentrer dans l’immeuble 65. “Mon erreur est de ne pas avoir écrit que je n'avais pas pu entrer dans l'immeuble”, reconnaîtra l’agent désormais retraité. “Mais je l'ai dit à ma hiérarchie”. “J’étais complétement satellisé”, répondra Christophe Suanez en faisant référence au manque d’effectif. 

Le procès se poursuit, ce jeudi et demain les manquements autour des immeubles 63 et 65 seront plus précisément abordés. Le calendrier est tenu, la fin du procès est toujours programmée au 18 décembre.

 

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