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Rencontre à Marseille avec Albert Corrieri, 102 ans, "l'oublié de l'Histoire"

4min

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Par Michel Montagne19/03/2025 à 14:14

La justice française l'a finalement débouté. Albert Corrieri avait demandé réparation à la France pour avoir été contraint de partir travailler en Allemagne nazie durant 25 mois dans le cadre du STO de sinistre mémoire.

C'est « l'État Français » - appellation officielle de l'époque désignant le régime de Vichy du maréchal Pétain - qui l'y avait envoyé, comme plus de 600 000 autres Français, dans le cadre donc de ce STO, le service du travail obligatoire.
25 mois dont 18 de travaux forcés éprouvants au bénéfice d'une usine chimique installée à Ludwigshafen, dans ce territoire très industrialisé du sud-ouest de l'Allemagne.
Albert Corrieri demandait donc réparation de son préjudice en tant que déporté et réclamait ainsi une indemnisation de 43 200 euros, soit 10 euros de l'heure travaillée pour une durée de 18 mois, correspondant à la période de travail forcé qui lui avait causé le plus de souffrances.
Pour asseoir sa décision, le tribunal administratif de Marseille ne lui a finalement pas reconnu ce statut de déporté, c'est-à-dire de victime d'un crime imprescriptible. Pour Albert, toute demande de réparation devient donc trop tardive car prescrite.
Nous nous sommes donc rendus chez lui dans le 15e arrondissement car, contacté par téléphone, Albert Corrieri insiste pour rencontrer en personne celui ou celle qui va le questionner.

 

La mémoire chirurgicale de cet homme né le 28 mai 1922


Une fois dans son appartement coquet, le début de conversation est rapidement interrompu par une forte sonnerie de téléphone sur l'air d'« Une partie de pétanque » incontournable standard marseillais interprété par Darcelys. Suivie d'une autre sonnerie quelques minutes plus tard car Albert possède deux portables. Il nous confie que, depuis l'annonce de la décision du tribunal, ses téléphones ne cessent de résonner, toute la presse veut en effet connaître sa réaction.
Et celle-ci ne se fait pas attendre.
Le centenaire est en colère, une colère qui bouillonne depuis 82 ans, soit la durée écoulée depuis son arrestation à Marseille en mars 1943 qui a précédé ce qu'il considère comme sa déportation en Allemagne.
Une fois ses deux téléphones confiés à Benoît Le Corre, un jeune journaliste indépendant présent ce jour qui réalise un film documentaire à son sujet, on démarre notre interview.
Et là, on ne peut s'empêcher d'être impressionné, voire médusé par la mémoire chirurgicale de cet homme né le 28 mai 1922.
Un exemple ? Quand en début d'entretien, on évoque ses 23 mois de STO en terre nazie, Albert vous corrige instantanément et avec humour d'un malicieux : « Tu peux en mettre deux, deux de plus » pour vous rappeler qu'il y a bien passé 25 mois et qu'il n'a oublié aucune des journées passées là-bas.
Et quand on s'étonne qu'il évoque comme base de son indemnisation une période de 18 mois, il vous explique qu'après les bombardements alliés des villes de Ludwigshafen et de sa voisine Mannheim, causant la destruction totale de l'usine où il effectuait son travail forcé, il avait ensuite été transféré, toujours de force, dans une autre commune où il avait travaillé dans des conditions sinon humaines, en tout cas moins dégradantes et terribles, ce qui à ses yeux ne justifiait pas réparation.
Et quand est venu le moment de se quitter, il vous donne sans une once d'hésitation son adresse mail pour qu'on lui communique le résultat de notre travail.
Et Benoît Le Corre de vous désigner un bocal rempli de clés USB qui contiennent les traces de tous les reportages qui lui ont été consacrés. Et le jeune réalisateur d'ajouter malicieusement « Albert ? T'inquiète, c'est un geek ».



En vidéo, notre interview d'Albert Corrieri à son domicile marseillais


Albert Corrieri et son avocat maître Michel Pautot (l'auteur de la formule "les oubliés de l'Histoire") ont décidé de faire appel de cette décision

 

 

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